Encore une fois, le Canadien de Montréal s’est surpassé dans l’art de contrôler le discours.
La scène a eu lieu hier, devant les caméras et les micros, alors que Lane Hutson, l’enfant chéri de la reconstruction, s’est présenté devant les médias pour discuter de sa préparation estivale.
Un moment qui aurait dû être banal, un simple échange entre un joueur et des journalistes.
Mais le Canadien, fidèle à lui-même, a transformé ça en une leçon de censure en direct, démontrant que la loi du silence n’est pas qu’une expression : c’est une stratégie assumée.
Tout a commencé calmement.
Hutson, fidèle à son style posé, répondait aux questions sur sa progression.
« Je veux être plus rapide, plus fort et améliorer mon lancer », a-t-il confié, résumant parfaitement ses objectifs pour sa deuxième saison dans la LNH.
À 21 ans, il sait que la moindre faiblesse sera scrutée par les adversaires, et il tente de devancer les critiques en affichant ses intentions.
Jusque-là, rien de choquant.
Puis, un journaliste a osé poser la question qui brûlait toutes les lèvres : sa non-sélection au camp estival d’Équipe USA, en vue des prochains Jeux olympiques.
Lane Hutson n’a pas esquivé.
Avec son calme habituel, il a répondu.
Sans chialer, sans provocation. Juste une réponse honnête, teintée de déception mais aussi de lucidité.
Il a reconnu qu’il aurait aimé être là, qu’il utilisait ça comme motivation pour pousser encore plus fort cette année.
« Il y a de très bons joueurs qui évoluent pour USA Hockey et beaucoup de joueurs de la LNH participent à ce camp. Je leur souhaite le meilleur et j’espère qu’ils vont profiter de l’expérience. Pour moi, c’est simplement que j’ai une saison à préparer et j’ai hâte d’y être. »
« J’aimerais jouer, mais on ne sait jamais ce qui peut arriver. C’est une longue saison, alors si l’occasion se présente, c’est certainement quelque chose que j’aimerais faire. »
Et c’est là que le cirque a commencé.
Quelques minutes plus tard, un autre journaliste a voulu revenir sur le sujet, pour creuser un peu plus, obtenir peut-être une réaction différente.
À ce moment précis, un disciple des communications du Canadien a bondi.
Intervention directe, coupant net l’élan : « Pas de questions là-dessus. »
Un rappel froid, lancé sur un ton sec, comme pour marquer la frontière invisible entre ce que le joueur a le droit de dire et ce qui doit rester tabou.
C’était trop tard.
Hutson avait déjà parlé.
Le chat était sorti du sac.
Et tout le monde dans la salle a senti ce frisson : la loi du silence venait d’être appliquée en direct.
On aurait dit une scène d’un mauvais film, sauf que c’était bien réel.
Ce qui choque, ce n’est pas tant que le CH protège son joueur.
Après tout, chaque organisation cherche à contrôler son image.
Mais là, on n’était pas en train de parler de la vie privée de Hutson, ni de son contrat, ni d’une histoire de coulisse embarrassante.
On parlait d’un fait sportif simple : il n’a pas été retenu pour Équipe USA.
Point. Et pourtant, il fallait étouffer ça.
Pourquoi? Parce que l’organisation a peur que la moindre allusion à un « échec » ternisse l’image parfaite qu’elle tente de construire autour de son joyau.
On préfère nourrir le narratif de l’éternel espoir électrisant, plutôt que de laisser entrevoir une réalité toute simple : même Lane Hutson n’est pas intouchable.
Même lui a encore des marches à gravir.
Et c’est exactement ça que son commentaire traduisait.
Pas de plainte. Pas de drame. Juste : « Je dois être plus rapide, plus fort et améliorer mon lancer. »
On ne peut pas faire plus constructif que ça. Mais au lieu de laisser le message passer, on a choisi de bâillonner.
La scène a rappelé de mauvais souvenirs aux vétérans du beat médiatique.
Ceux qui ont vu défiler les listes de « questions interdites » imposées par le CH au fil des années.
Pas de questions sur les blessures.
Pas de questions sur les contrats.
Pas de questions sur les choix de l’entraîneur.
Et maintenant? Pas de questions sur l’équipe américaine.
Une liste qui s’allonge, au point où l’on se demande bientôt ce qu’il restera à demander aux joueurs. Leur saveur de crème glacée préférée?
Chantal Machabée nous avait pourtant promis la transparence médiatique, une nouvelle ère où les joueurs du Canadien pourraient s’exprimer librement sans se faire dicter les sujets par l’organisation.
C’était son grand discours en arrivant au CH : ouvrir les portes, abolir la vieille mentalité de bunker et montrer que Montréal était assez mature pour vivre avec les hauts et les bas de ses joueurs.
Or, ce qu’on a vu dans cette conférence de presse de Lane Hutson est tout le contraire : une intervention directe, en plein milieu d’un point de presse, pour interdire aux journalistes de poser des questions jugées « sensibles ».
On est revenu à la loi du silence, exactement ce que Machabée avait juré de laisser derrière.
Cette contradiction fait mal, parce qu’elle détruit la confiance bâtie entre l’organisation et les médias, et surtout, elle met un jeune comme Hutson dans une position inconfortable, où il ne peut plus parler franchement de ses rêves et de ses déceptions.
Ce malaise, il dit tout du climat qui entoure le Canadien.
On vit dans une époque où tout est image, où chaque mot doit être filtré, calibré, aseptisé.
Sauf que le hockey, ça ne marche pas comme ça.
Les fans veulent du vrai. Ils veulent savoir ce que Hutson pense, ce qu’il ressent, même quand c’est inconfortable.
Et Hutson, dans sa réponse, avait donné exactement ça.
C’est d’autant plus ironique que ce genre de censure finit toujours par produire l’effet inverse.
En essayant d’empêcher les journalistes de creuser, on attire encore plus l’attention sur le sujet.
On donne l’impression qu’il y a un scandale, alors qu’il n’y avait rien.
Une non-sélection à un camp estival, ça arrive à des dizaines de joueurs chaque année.
Mais quand tu interdis d’en parler, ça devient un drame. Ça devient « la » nouvelle.
Lane Hutson n’avait pas besoin de protection.
Au contraire. Ses propos l’humanisaient, le montraient comme un jeune qui accepte les obstacles et veut s’améliorer.
Ça aurait renforcé son image.
Mais au lieu de ça, on a choisi la chape de plomb.
Et ça renforce une autre image : celle d’une organisation qui infantilise ses joueurs et méprise ses partisans en croyant qu’ils ne peuvent pas gérer la vérité.
Imaginez ce que ça envoie comme message à Hutson lui-même. Le gars répond à une question honnêtement, sans faux pas.
Quelques minutes plus tard, on lui fait comprendre que ce n’était pas « approprié ».
Comment voulez-vous qu’un joueur développe une relation saine avec les médias dans ces conditions?
Comment voulez-vous qu’il se sente libre d’être lui-même?
Ce qui frappe aussi, c’est que cette intervention n’était même pas subtile.
Pas un petit rappel discret en coulisse.
Non. Une coupure sèche, en public, devant tout le monde.
Un signal clair : on contrôle, on surveille, et on dicte ce qui se dit.
Pour une organisation qui aime répéter qu’elle « respecte » ses joueurs et ses partisans, ça fait plutôt désordre.
On comprend mieux pourquoi certains journalistes parlent d’une « culture de la censure » chez le CH.
Parce qu’il ne s’agit pas d’un incident isolé. C’est un schéma qui se répète. Et à chaque fois, c’est la crédibilité de l’organisation qui prend un coup.
La vérité, c’est que la loi du silence n’a jamais protégé personne. Elle étouffe, elle infantilise, et elle finit toujours par éclater.
Les partisans, eux, ne sont pas dupes. Ils savent lire entre les lignes. Ils ont vu la scène.
Ils ont entendu Hutson répondre, puis ils ont vu qu’on l’empêchait d’aller plus loin. Le mal est fait.
Et au fond, c’est ça le plus triste : Hutson, dans toute cette histoire, est la seule victime collatérale.
Il n’a rien dit de mal. Il a juste répondu.
Mais l’organisation, en voulant le protéger d’un faux problème, a créé un vrai malaise.
Et ça, c’est devenu la nouvelle du jour.
Misère…